Carnet de route : Diffa au Niger, le désarroi des populations rescapées fuyant l'insurrection armée de Boko Haram dans le nord du Nigeria
Coucou à tous,
je vous adresse mes salutations en Kanouri (langue locale de la région de
Diffa, Sud-Est du Niger). Là-bas, on dit: kiléwa (qui signifie: Comment ça va?) Vous répondez alors : Kiléwa
salé ( pour dire en retour: Ça va bien). Vous voyez bien que j'ai pigé au moins deux mots. Allez, on y va pour d'autres choses plus sérieuses.
En fait, après un
long périple de plus de 10 heures, j'arrive ce jour du 18 Décembre 2014 à Niamey dans une atmosphère de
fraîcheur des périodes de l'harmattan sahélien. Vent sec et frais avec une
brise légère, je découvre pour la première fois le pays de Hamani Diori dont
l'aéroport porte le nom. Malgré l'accueil chaleureux, je reste pantois devant
l'aéroport qui ressemble, je dirai plutôt à un aérogare. Plus de 50 ans après, les revenus de l'exploitation de l''uranium par notre chère compagnie AREVA semblent ne pas avoir été suffisamment conséquent pour changer la donne du développement des infrastructures aéroportuaires. En réalité, le pays ne disposait que de 5,5% des revenus jusqu'à l'accord du 26 Mai 2014 qui le fait passer à 12%. Pourtant ce pays figure parmi les 5 premières réserves mondiales d'uranium exploitées ou à exploiter. L'aéroport international,
cette première vitrine du pays peut offrir un meilleur visage à l'étranger qui s'y
aventure avec un cadre un plus moderne. Je sais, on pourrait me reprocher de
voir peut-être trop grand, de ne pas tenir compte du contexte du pays. Mais pour moi, cela reste un minimum car c'est la porte d'entrée principale du pays.
Visite aux notables d'une localité visité |
18 Décembre, ce jour symbolique, marque le jour de la proclamation de l'indépendance qui est différent du
jour de la célébration de l'indépendance qui a eu lieu chaque 3 Août, laquelle indépendance a été acquise soit dit en passant en 1960. Les premiers pas hors de l'enceinte
aéroportuaire offre l'ambiance présente dans toutes les capitales africaines,
celle de la chaleur humaine. A la traversée du fleuve Niger, mon subconscient fredonne
ce chant appris à l'école primaire. Qui s'en souvient? On disait, si mes souvenirs sont bons : "sur les bords du fleuve Niger, en 1946, tous les africains se sont réunis pour créer le RDA, ....". Cette chanson reprend l'épopée courageuse et la bravoure des hommes qui ont lutté pour un idéal celui des hommes indignés se battant pour reconquérir leur dignité et leur liberté naguère perdues. C'est la chanson qui matérialise les fonds baptismaux de la
création du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), l'un des premiers partis d'Afrique noire ayant combattu pour la liberté des noirs africains en son temps.
Escorte militaire pour la sécurité sur le terrain |
Dans tous les cas, les anciens et les initiés s'en
souviendront. Petits commerçants jouxtant les grands commerces, les badauds
déambulant dans tous les sens, les motocyclistes rivalisant d'ardeur
dans l'indiscipline avec les automobilistes, me donnent un air de déjà vu que
j'apprécie à sa juste valeur. L'Afrique, mon Afrique; mère-terre ou terre-mère,
réellement berceau de la vie malgré la caricature cauchemardesque sous laquelle
elle est si souvent dépeinte.
Tous les chemins mènent à Diffa, route dans le désert du Niger |
Cette première nuit
à Niamey, emprunte de retrouvailles avec un ami du lycée a permis de ressasser
les souvenirs vieux d'un quart de siècle. Bon moment! Merci à Patrick pour son
hospitalité. Le lendemain, très tôt, départ pour Diffa. Durant près de trois
heures de vol dans un jet de 18 places, nous survolons dans un ciel sans nuage,
une terre d'une rouge latérite aux allures dégradées avec des arbres et
arbustes parsemés, paysage qui contraste le vert hydrophile des forêts
équatoriales. Les jours suivants mon arrivée à Diffa, j'ai sillonné les axes
environnant la ville, les villages, les hameaux même les plus reculés.
Discussion avec les hommes réfugiés nigérians de Bosso, Diffa |
La raison de ce tour qui n'avait rien de touristique
malgré la beauté du paysage semi-désertique, était de palper du doigt les
réalités vécues par les hommes, les femmes, les jeunes, les adolescents et les
enfants ayant fui les atrocités de la secte insurrectionnelle Boko Haram chez
le géant voisin, le Nigeria. J'ai ainsi effectué durant ce court séjour des visites dans des sites accueillant de réfugiés, les îles émergées du Lac Tchad, et les villages dans des terrains désertiques. Arrivées dans un dénuement total, ces populations réfugiées ou retournées affectées par les errements dogmatiques de la secte Boko Haram viennent rejoindre par centaines et milliers leurs hôtes nigériens de circonstance pour continuer à survivre. Leurs regards fixes et figés emprunts de mélancolie et d'espoir de retour à une vie meilleure plus sécurisée laissent comprendre la profonde déchéance de nos Etats. Sans être un devin, l'avenir n'augure rien de reluisant si on se fie aux agissements des insurgés à la veille des élections présidentielles au Nigéria. Nous n'avons pas le droit de rester sans rien faire devant tant de souffrance. Notre réconfort aussi modeste soit-il est qu'une assistance sanitaire est apportée à ces populations surtout aux femmes enceintes.
Je découvre,
j'apprécie. Je réfléchis à tout ce que j'ai pu lire sur ce pays. Je
me souviens alors du discours suivi à la télévision nationale prononcé par le
Président du Niger, Mahamadou Issoufou, le
jour de commémoration de la proclamation de l’indépendance, rappelant le rang
de dernier de la classe (187ème sur 187 pays classés) du Niger selon
l’indice de développement humain (IDH). En d’autre termes, le Niger est « le premier pays à partie de la queue », euphémisme qu’aimait usité mon cher voisin d'internat au lycée lorsque nous étions en classe de seconde
(clin d’œil à Marcel Obou).
Champ de poivron en pleine zone semi-désertique |
La
suite de mon périple est encore plus enrichissante. Sillonnant le pays, je réalise que ce territoire a d’immenses
richesses non réellement exploitées. La terre ici, même en ces lieux semblant arides produit du vert,
de la nourriture pour tous conformément au programme « 3N (les Nigériens
Nourrissent les Nigériens) » si cher au Président actuel. Je vois que l’ingéniosité
humaine, sa créativité, son sens de la survie qui n’a pas de limite, n’est pas
suffisamment mise à l'épreuve ici. Je reste intimement persuadé qu’avec un peu plus de
moyens et de volonté politicienne et celle de tous les nigériens, il est possible
de faire de ce pays une zone de production céréalière et de légumes d’envergure.
Le programme « 3N » peut se transformer en une réalité et permettra
au Niger de montrer la voie de l’autosuffisance alimentaire à plus d’un pays du
continent qui nous abrite. Un autre aspect qui m’a également marqué est la virtualité
des frontières entre nos états (écoutez, je ne suis pas naïf et je ne vous apprends
certainement rien, suivez la suite de mon raisonnement) .
Fleuve Komadougou, à la frontière avec le Nigeria, Bosso, Diffa |
Les
peuples, malgré le tracé colonial de séparation voire de ségrégation, vivent dans une parfaite harmonie et une
symbiose. Les réfugiés du Nigéria fuyant la folie meurtrière de Boko Haram et
ayant trouvé refuge dans cette zone, partagent quasiment les mêmes us et coutumes
de leur terre d’accueil du Niger. Cette situation n’est guère singulière à ce
pays. Le questionnement derrière cet état de fait est comment serions-nous
capable de bâtir des unions, des choses positives sur les fondements qui datent
de la nuit des temps. Let's see, time will tell.
Je quitte
le pays avec un regard autre que celui présent dans les rapports humanitaires et
documents écrits. Ce pays vaste de 1,2 million km² avec une population de 17,83
millions (2013) a les moyens de se repenser en dehors de l’IDH. Ce pays
peut ne plus être le focus des projecteurs pour la malnutrition ou l’insécurité
alimentaire seulement. Il peut être un exemple de renouveau comme Israël qui a dompté et vaincu l’adversité du désert et de la nature. Croyons que l'impossible devienne une réalité et nous aurons
un exemple ici. A cette veille de Noël, je caresse le secret espoir que les enfants des
éleveurs qui accompagnent leurs parents avec le cheptel familial passeront un réveillon heureux dans une insouciance tout en ignorant certainement la venue d'un Père Noël. Ces
enfants méritent plus. Who knows about the future!
Joyeux noël et bonne et heureuse
année 2015 à tous les Nigériens.
Récolte de poivron |
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